SAS ou SARL : comment faire le bon choix pour sa start-up

20 avril 2025

L’importance de la forme juridique dans le lancement d’une start-up

Le choix de la forme juridique de votre société conditionne une multiplicité d’aspects : fonctionnement au quotidien, gestion administrative, régime social du dirigeant, capacité à accueillir des investisseurs, distribution des dividendes et crédibilité auprès des partenaires. En France, on retrouve traditionnellement la SARL pour les petites et moyennes entreprises, et la SAS pour des entreprises souhaitant attirer rapidement des capitaux extérieurs. Toutefois, cette distinction n’est pas figée ; il est tout à fait possible de créer une SARL innovante, de la faire évoluer dans le temps ou de décider de basculer vers un autre statut.

Dans l’écosystème entrepreneurial récent, la SAS a gagné du terrain, en partie grâce à sa souplesse statutaire et à l’image moderne qu’elle véhicule auprès des investisseurs. Selon certaines études (chiffres Insee ou rapports sectoriels), on estime qu’environ 70 à 80 % des créations de start-up s’orientent désormais vers une SAS, tandis que la SARL demeure très présente pour les TPE plus traditionnelles. Cependant, de jeunes fondateurs me contactent régulièrement pour me demander si la SARL n’est pas un modèle plus simple, voire plus protecteur, notamment lorsqu’on débute en solo ou en petit groupe. Pour faire un choix éclairé, il convient de bien comprendre les spécificités juridiques, fiscales et managériales de chaque statut.

Les caractéristiques fondamentales de la SARL

La SARL, ou Société à Responsabilité Limitée, est un statut historique en France. Elle est souvent considérée comme la forme juridique la plus répandue, car elle propose un cadre relativement sécurisé pour les associés, tout en restant assez simple dans sa mise en œuvre. Une SARL peut être créée par un ou plusieurs associés (deux au minimum pour la forme pluripersonnelle). Ainsi, lorsqu’on est seul, on opte pour la version unipersonnelle appelée EURL (Entreprise Unipersonnelle à Responsabilité Limitée). La responsabilité des associés est limitée au montant de leurs apports, ce qui signifie qu’ils ne risquent pas en principe leurs biens personnels pour couvrir les dettes de l’entreprise. Cette notion rassure beaucoup d’entrepreneurs qui démarrent avec un patrimoine personnel limité et ne souhaitent pas mettre en péril leurs actifs.

Les atouts d’un cadre sécurisant

Le premier avantage de la SARL réside dans sa structure claire et son fonctionnement bien balisé par la législation. Les statuts d’une SARL sont plus facilement accessibles pour les non-spécialistes du droit, car la loi encadre déjà de nombreuses modalités essentielles : nomination du gérant, modalités de vote, répartition des parts sociales, etc. Cela limite la marge d’erreur pour les créateurs d’entreprise qui n’ont pas forcément un bagage juridique très poussé. En outre, la SARL bénéficie parfois d’une image de société plus « familiale », ce qui peut rassurer certains banquiers ou partenaires. Côté capital, il n’existe pas de minimum requis (déposer 1 euro suffit officiellement), même si, dans la pratique, on conseille souvent d’injecter un capital plus substantiel pour crédibiliser le projet et disposer d’une trésorerie initiale.

Les limites liées à la rigidité statutaire

Si la SARL offre une sécurité réglementaire, elle peut aussi devenir une source de rigidité au fil de la croissance de la start-up. Les règles légales encadrent assez strictement l’organisation interne, la répartition des pouvoirs ou la transmission des parts sociales. En SARL, si l’on souhaite faire entrer de nouveaux associés, il faut respecter certaines procédures plus lourdes, comme l’agrément préalable des associés existants. De même, la distribution des dividendes obéit à un schéma relativement borné : il n’est pas possible d’ajuster librement les bénéfices attribués à chaque associé selon son implication opérationnelle. Autre point significatif, le gérant de SARL relève le plus souvent du régime des travailleurs non-salariés (TNS) s’il détient la majorité du capital, un statut social moins onéreux en cotisations, mais qui limite la couverture sociale par rapport au régime général.

Les spécificités de la SAS

La SAS, ou Société par Actions Simplifiée, a été introduite dans le paysage juridique pour offrir davantage de flexibilité et un cadre mieux adapté aux entreprises à vocation innovante. C’est précisément pour cela qu’elle est plébiscitée par les start-up en recherche de levées de fonds et de partenariats stratégiques. Par ailleurs, la SAS est très appréciée des investisseurs institutionnels (business angels ou fonds de capital-risque), car elle permet de moduler de manière plus fine les droits des actionnaires en fonction de leurs apports ou de leurs obligations.

Une flexibilité statutaire plébiscitée

L’un des points forts de la SAS réside dans sa souplesse de fonctionnement. Les modalités de décision, les règles de vote, l’organisation entre actionnaires, tout ou presque peut être écrit dans les statuts, dès lors que certaines bases légales sont respectées. Il est possible, par exemple, de créer plusieurs catégories d’actions (actions ordinaires, actions avec droits de vote multiples, actions préférentielles) pour récompenser un investisseur-clé ou un associé particulièrement impliqué dans la réussite du projet. Cette liberté est cruciale pour une start-up qui souhaite accueillir rapidement de nouveaux partenaires ou adapter la gouvernance en fonction de l’évolution de son marché.

Des avantages pour l’entrée au capital d’investisseurs

Lorsqu’une start-up ambitionne de se financer par des tours de table successifs, la SAS s’avère souvent la forme la plus adaptée. L’absence de capital social minimum – là encore, on peut constituer une SAS avec 1 euro de capital – facilite la création. Ensuite, pour lever des fonds, il suffit de procéder à des augmentations de capital en émettant de nouvelles actions. Les investisseurs valorisent aussi la simplicité de la transformation ultérieure de la SAS : elle peut évoluer vers une SA (Société Anonyme) en préparation d’une cotation en Bourse si la start-up grandit de manière significative. Notons que le président d’une SAS relève du régime général de la sécurité sociale, ce qui est souvent plus sécurisant et plus avantageux (malgré un coût plus élevé) pour les dirigeants qui aspirent à une meilleure protection maladie, maternité et retraite. Pour beaucoup de fondateurs, c’est un argument de poids.

Les considérations sociales et fiscales

Le statut social du dirigeant est une différence notable entre la SARL et la SAS. Dans une SARL, le gérant majoritaire est considéré comme un travailleur non-salarié, avec un régime de cotisations différent et un niveau de protection sociale plus restreint, même si la cotisation reste moins lourde. Dans le cas d’une SAS, le président est affilié au régime général. Ceci implique un coût de cotisations sociales plus élevé, mais il bénéficie d’une protection sociale plus proche de celle d’un salarié classique. De manière générale, les start-up qui prévoient une embauche rapide de talents et la mise en place d’une équipe dirigeante plus large privilégient la SAS pour son cadre plus « corporate », là où la SARL ressemble parfois plus à un format TPE.

Sur le plan fiscal, il faut savoir que les deux structures sont soumises à l’Impôt sur les Sociétés (IS). Cependant, il existe des options pour l’Impôt sur le Revenu (IR) sous certaines conditions, limitées dans le temps, lorsque la société remplit certains critères de détention ou de taille. Dans les premières années d’exercice, certaines start-up peuvent y trouver un avantage si elles génèrent peu de bénéfices. Mais la grande majorité des fondateurs optent pour l’IS dès le départ, dans une logique de réinvestissement des profits pour soutenir la croissance de l’entreprise. Les dividendes versés aux associés seront ensuite imposés au barème des revenus de capitaux mobiliers, après déduction des cotisations sociales éventuelles. Les différences fiscales entre la SARL et la SAS sont souvent davantage liées au statut du dirigeant qu’à la structure de la société elle-même.

Quelles implications pour le montage financier ?

Le choix de la forme juridique impacte directement la stratégie de financement à court et long terme. En SARL, les parts sociales ne peuvent être cédées ou transmises à des tiers qu’avec l’accord d’une majorité (ou unanimité dans certains cas) des associés, ce qui peut rendre l’entrée de nouveaux investisseurs plus délicate. Cela freine parfois le développement rapide d’une start-up qui doit pouvoir faire évoluer son capital rapidement, surtout si le marché est porteur et que les souscriptions de capitaux externes se multiplient.

En SAS, les actions sont librement négociables, sauf clause contraire dans les statuts. Cette liberté attire les business angels et VCs qui souhaitent pouvoir sortir du capital au moment opportun, sans passer par des procédures d’agrément complexes. Sur le plan opérationnel, la SAS facilite également la mise en place d’outils comme les BSPCE (Bons de Souscription de Parts de Créateur d’Entreprise) ou les actions gratuites, dispositifs largement utilisés dans le monde des start-up pour attirer et fidéliser des collaborateurs clés. À l’inverse, la SARL est moins adaptée à l’émission de ces instruments, car elle n’offre pas la même souplesse juridique. Ainsi, si vous envisagez une hyper-croissance ou des opérations de financement successives, la SAS demeure souvent la voie royale.

Retours d’expérience et études de cas

Pour illustrer les différences entre la SARL et la SAS, voici quelques exemples concrets tirés de mon expérience de consultant et de mentor au sein d’incubateurs. J’ai accompagné une jeune pousse spécialisée dans la foodtech, lancée par deux amis qui voulaient tester leur produit rapidement sur un marché local. Ils ont opté pour la SARL, attirés par la simplicité administrative et un besoin limité de financer leur croissance externe. Pendant les premiers mois, ils géraient eux-mêmes la société, en privilégiant l’autofinancement. Leur priorité : bénéficier d’un cadre juridique rassurant pour convaincre leurs partenaires commerciaux (fournisseurs, distributeurs) et limiter leur prise de risque personnelle.

En parallèle, j’ai suivi une start-up du secteur de la fintech, composée de quatre cofondateurs, dont un ancien banquier d’affaires et deux ingénieurs. Dès leur création, ils savaient qu’ils devraient lever des fonds auprès d’investisseurs institutionnels. Après discussion, ils se sont orientés vers la SAS, considérant que la structure offrirait plus de souplesse pour accueillir différents actionnaires et négocier des clauses de préférences en cas de cession. Résultat : en un an, la société avait déjà réalisé deux tours de table et les conditions de sortie des premiers investisseurs étaient clairement définies dans les statuts. Les BSPCE mis en place ont également permis aux développeurs clés de se sentir impliqués dans l’évolution du capital.

  • Dans le scénario SARL, la stratégie était « bootstrap » : moins de croissance rapide, focalisation sur le cœur de métier et limitation des associés externes.
  • Dans le scénario SAS, la stratégie était plus tournée vers l’hyper-croissance, avec un fort appétit pour les levées de fonds et le partage du capital.

Bien sûr, il n’existe pas une réponse unique valable pour tous les projets. Chaque typologie de start-up doit peser ses priorités, ses ressources et ses objectifs de développement. Le choix d’une SARL ou d’une SAS n’est pas figé dans le temps : certaines entreprises démarrent en SARL et migrent vers une SAS lorsque le besoin de capitaux extérieurs se fait plus urgent. Toutefois, procéder à une transformation juridique peut générer des coûts (refonte statutaire, formalités, honoraires d’experts). D’où l’importance d’anticiper le plus tôt possible la nature de votre projet et la feuille de route associée.

Quelles questions se poser avant de trancher ?

De nombreux entrepreneurs que je conseille se sentent parfois désorientés face à la profusion d’informations au sujet des statuts. Voici quelques questions-clés que vous pouvez vous poser pour affiner votre décision :

  • Quel est mon horizon de croissance et la rapidité à laquelle je compte lever des fonds ?
  • Quel degré de flexibilité statutaire me faut-il pour structurer la répartition du capital, les pouvoirs de décision et d’éventuelles clauses spécifiques ?
  • Quels sont mes besoins en termes de protection sociale en tant que dirigeant ? Suis-je prêt à payer davantage de cotisations pour obtenir une meilleure couverture ?
  • Souhaite-t-on créer plusieurs catégories de titres (actions préférentielles, actions ordinaires) pour récompenser des profils clés ou répondre aux exigences d’un investisseur ?
  • Est-ce que mes futurs partenaires, mentors, banquiers ou investisseurs ont une préférence forte pour un type de statut ?

En répondant à ces interrogations, vous verrez certainement se dégager une tendance claire vers l’une ou l’autre forme. Par exemple, si votre ambition est de croître de manière « organique » en vous finançant uniquement via des fonds propres, vous pouvez très bien évoluer sous le statut SARL. En revanche, si vous misez sur la rapidité d’exécution, la scalabilité et l’ouverture à des financements extérieurs, la SAS vous tend les bras.

Avancer avec confiance

Dans l’univers exigeant des start-up, la réflexion préalable sur la forme juridique ne doit jamais être minimisée. Opter pour la SARL offre un cadre plus traditionnel, rassurant pour les entrepreneurs qui souhaitent sécuriser leurs opérations et se focaliser sur une croissance maîtrisée. Les charges sociales du dirigeant majoritaire y sont généralement moins élevées, mais la couverture sociale est moins complète. La SARL oblige aussi à respecter un fonctionnement statutaire plus rigide, ce qui peut être vu comme un avantage si vous réalisez un projet de taille modeste que vous maîtrisez de bout en bout.

Pour les porteurs de projets ambitionnant une expansion rapide, l’ouverture du capital à des business angels, des fonds de capital-risque ou d’autres partenaires nécessite un véhicule puissant et flexible. La SAS répond à ces préoccupations en permettant la création de clauses sur mesure, la libre négociation des actions et la mise en place de dispositifs de motivation du personnel (BSPCE, stock-options). Il est vrai que la dirigeance sous régime général peut coûter davantage en cotisations comparée au statut TNS. Toutefois, cet aspect est souvent contrebalancé par la nécessité d’attirer des talents et de sécuriser les futurs investisseurs.

Dans le cadre de mon activité de conseil, j’ai pu observer à maintes reprises que les fondateurs qui prennent le temps de réfléchir à leur roadmap (besoins de trésorerie, structuration de la gouvernance, visibilité à long terme) arrivent en général à un choix cohérent entre la SARL et la SAS. Parfois, la décision se fonde sur des éléments concrets, comme une clause de non-concurrence imposée par un investisseur ou une vision de la répartition des pouvoirs dans la société. D’autres fois, ce sont des critères plus personnels, comme le désir d’évoluer sous un régime social protecteur ou la volonté de limiter la complexité statutaire. Quelle que soit votre inclination, rappelez-vous qu’il est toujours préférable de considérer à la fois vos ambitions et vos contraintes. Ne cédez pas aux effets de mode : la mise en place d’une SAS n’est pas un passage obligé si vous n’en avez pas réellement l’utilité.

C’est donc en évaluant précisément vos objectifs, vos moyens et vos priorités que vous pourrez déterminer la structure la plus adaptée à votre projet entrepreneurial. Employez la SARL si votre horizon est restreint, que vous recherchez un encadrement juridique direct et que vous êtes prêt à accepter une moindre flexibilité pour accueillir des investisseurs. Optez pour la SAS si vous anticipez des levées de fonds, un développement rapide, une gouvernance évolutive et la mise en place d’instruments de motivation pour vos salariés. Si votre concept réclame d’emblée du capital, sachez que la SAS facilite également les discussions avec les partenaires et ouvre la porte à un large éventail de financements.

En cas de doute, n’hésitez pas à consulter un expert, avocat d’affaires ou conseiller spécialisé, qui pourra relire vos statuts et confirmer la viabilité de votre choix. Si vous souhaitez approfondir la connaissance de ces régimes juridiques, vous pouvez consulter ce guide officiel extrêmement complet, qui détaille les obligations légales et les jurisprudences associées. Prendre une décision réfléchie en amont vous fera gagner un temps précieux à moyen terme, tout en évitant de coûteuses modifications ultérieures.

En définitive, le choix entre la SAS et la SARL est avant tout stratégique, et dépendra étroitement de votre plan d’affaires, de votre capacité à lever des fonds et de la façon dont vous envisagez la relation avec vos futurs mainteneurs de capitaux. En tant que créateur de start-up, vous êtes déjà tourné vers l’avenir : c’est une excellente chose, car la forme juridique que vous embrasserez se doit de soutenir, et non de freiner, la dynamique d’innovation qui vous anime. Avec une vision claire, un raisonnement pragmatique et une bonne dose d’enthousiasme, vous mettrez toutes les chances de votre côté pour construire une structure performante, quels que soient les défis qui se présenteront.

J’espère que ce tour d’horizon vous aura aidé à mieux cerner les spécificités de la SARL et de la SAS. Les deux formes s’insèrent dans le paysage entrepreneurial français de manière complémentaire, chacune correspondant à un profil de croissance et à des besoins distincts. Mon conseil : ne vous laissez pas impressionner par la complexité apparente de certains statuts. Gardez en tête vos objectifs premiers – valider un marché, trouver votre product-market fit, attirer des ressources financières et humaines – et laissez ces derniers guider votre choix en collaboration avec vos cofondateurs et vos partenaires de confiance. Alors, prêt à monter votre start-up dans la forme adéquate et à libérer tout votre potentiel ?

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